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Yipirinya School


 

Le Yipirinya school n'est pas une école ordinaire. Alors qu'il en existait 26 de ce type dans le territoire nord, seulement deux persistes et perdurent aujourd'hui après de multiples concertations, conflits et négociations avec le gouvernement

Ce type d'établissement a pour vocation de préserver la culture aborigène en proposant aux indigènes un double enseignement : celui de leur propre culture et celui de la culture anglaise. Cependant le gouvernement n'est pas favorable à l'enseignement des langages aborigènes et il se bat pour que les aborigènes aillent à l'école publique au risque de perdre leur propre culture. Ainsi, si de nombreuses aides sont versées aux aborigènes qui vont à l'école publique, l'école Yipirinya s'est battue pendant 10 ans pour exister. L'école a été fondée en 1978 à l'initiative des aborigènes membres de la communauté.

 

Dans cette école se ne sont pas les enfants des familles aborigènes les plus dotés en capital économique et culturel que l'on retrouve. Bien au contraire, l'établissement essaye d'offrir une chance d'éducation aux enfants les plus défavorisés vivant dans et autour d'Alice Spring. Des bus circulent jusque dans les « Camp Town » gratuitement tous les matins et tous les soirs pour conduire les enfants à l'école et les ramener chez eux. Dans ces « Camp Town », les enfants sont souvent livrés à eux-même et leur quotidien familial est marqué par les problèmes d'alcoolisme, de drogues, de violences et parfois même d'abus sexuel.

Compte tenu de leur lieu de vie, l'établissement offre davantage qu'un lieu d'enseignement. Il ouvre un nouveau lieu de vie agréable à vivre où les enfants peuvent trouver s'ils le souhaitent un soutien moral, affectif mais également des repas gratuits.

Il faut savoir que l'école finance intégralement la scolarité des enfants, du transport scolaire, aux cahiers, stylos en passant par des vêtements pour ceux qui en ont le plus besoin. Mais beaucoup abandonnent leurs chaussures et preferent marcher pieds nus...

 



L'école reçoit quelques aides gouvernementales mais fait également appel à des donations privées.

En effet, Yipirinya school souhaite rester totalement indépendante. Plus qu'une école elle se veut être une véritable communauté. Si elle a été fondée par le gouvernement Commonwealth, elle est dirigée par des aborigènes (Indigenous Council of Life Members). Les enseignants des groupes de langues indigènes sont également aborigènes. De plus dans les différentes classes, les 7 enseignants présents dans l'établissement dispose de l'aide d'un assistant aborigène qui suit une formation afin de prétendre au poste d'enseignant.

L'établissement possède des salles de classes spacieuses construites avec des panneaux acoustiques et l'enseignant dispose d'un micro afin de favoriser l'audition des enfants déficients. En effet, le manque d'hygiène (ne se mouchent pas, ne se nettoient pas les oreilles) a provoqué de nombreuses infections chez les jeunes enfants qui aujourd'hui posent des problèmes d'audition très marqués. Dans les salles de classes on remarque ainsi des panneaux explicatifs sur les règles d'hygiène et les moyens d'y parvenir.

 

 


L'établissement possède dans certaines classes d'immenses écrans tactiles, et d'une salle informatique dans laquelle les enfants peuvent disposer chacun d'un ordinateur, travailler sur les logiciels ou surfer sur le net !


 

Côté sport une piscine est venue s'ajouter au gymnase déjà présent. Celle-ci a été inaugurée le jour de notre arrivée avec deux champions olympiques. Ici les choses se font en grand !!! Par ailleurs la piscine est un moyen détourné de favoriser l'hygiène corporelle des enfants.


L'école accueille ainsi des enfants de 3 à 16 ans, de 9h à 15h10. Ils sont répartis dans les classes en fonction de leur âge. 7 enseignants anglophones participent à leur apprentissage en langue anglaise et 4 enseignants aborigènes leur transmettent leur propre culture. Normalement l'école accueille 200 enfants mais chaque jour seulement 80 à 90 enfants y viennent. Cela est très peu car se n'est pas dans leur culture. Comme on l'a déjà précisé plus haut leur apprentissage se fait pas voie orale et dans le bush en contact direct avec la nature et non enfermé dans une salle de classe. Ceux qui prennent le bus, trouvent un lieu d'échappatoire pour la journée mais ne restent pas moins des enfants très mouvementés qui ont du mal à rester en place.

 

  en attente de l'autorisation du directeur avant la diffusion des photos des enfants  
     

Il est important d'essayer de maintenir un regard neutre sur ces modes de vie que l'on ne connait pas et que l'on aurait tendance à trop vite juger. Pour éviter ces points de vue rapides il faut garder en tête que la colonisation anglaise a profondément modifié leur mode de vie. Par ailleurs, pour les aborigènes, suivre un enseignement dans un établissement public revient à renoncer à leur propre culture. Éloignés de leur famille les jeunes ne peuvent recevoir l'enseignement de leurs ancêtres. Alors que dans une école du type de Yipirinya les jeunes préservent leur culture originelle et en abordent une nouvelle. D'ailleurs, l'établissement n'hésitent pas à accompagner en bus les enfants dans le bush afin de réaliser des apprentissages plus concrets auprès de leur aînés.

L'enseignement aborigène :

Quatre langages sont enseignés à Yipirinya : Central Arrente, Western Arrente, Warlpiri et Lurritja. Les parents choisissent généralement pour leur enfants celui qui se rapproche le plus du leur car il existe pour la région du Désert Central d'Australie 19 langues indigènes. Ces langues sont très différentes les unes des autres. Dan, un enseignant de Yipirinya, qui a enseigné 4 ans dans le bush dans la communauté des Warlpiris nous apprend que la langue aborigène, tout comme la culture ne se transmettait qu'oralement (pas d'écriture), ou par les chants, les danses, les peintures, les cérémonies... Se sont donc les colons européens souhaitant exporter le christianisme qui ont commencé à écrire la langue aborigène en phonétique.

 



Alphabet phonique Central Arrente


Dingo en Central Arrente


Fourmis miel en Warlpiri

Pour les Warlpiris leur langage utilise 24 sons. Pour les chiffres ils ne comptent que jusqu'à trois : un=jinta, deux=jirrama, trois=marnkurrpa et au-delà de trois c'est beaucoup ou ''big mob'' en anglais aborigène. Pour les Central Arrente leur langage utilise 21 sons et les comptes s'arrêtent à deux : un=anyente et deux=atherre. Facile de faire des mathématiques avec tous ces chiffres !!! Mais bon voilà pour vivre dans la nature et compter leurs provisions ils n'avaient pas forcément besoin de davantage.

Les cérémonies jouent également un rôle important dans l'apprentissage de la culture aborigène. Il existerait, tout du moins pour les Warlpiris, 8 niveaux d'enseignement cérémoniel au sein duquel se retrouvent l'apprentissage de la survie ou plutôt l'art de vivre dans la nature car tout ce qu'ils prennent à la nature ils le font de manière respectueuse et dans un souci de préservation de leur environnement mais également des enseignements religieux, philosophique, astronomique...

Par ailleurs pour chaque communauté la transmission de la culture passe par l'enseignement d'histoires en rapport avec un animal qui caractérise la communauté. Pour les Warlpiris se sont les émeus (une sorte de petite autruche). Dan nous conte une histoire afin de nous montrer quel type d'enseignement on peut y puiser.

« Chez les émeus, une fois que la femelle a pondu ses œufs, c'est le pères qui doit se charger de les couver et de s'occuper d'éduquer les petits à la naissance. A l'éclosion le père apprend aux petits à se nourrir, la base de la survie. Ils les amènent dans un coin où il y a de l'herbe et il les observe. Et là alors que certains vont tout de suite se mettre à picorer il va y en avoir un qui va partir en vadrouille s'en se préoccuper de se nourrir. A plusieurs reprises le père va renouveler l'expérience à différents endroits mais à chaque fois le même préfèrera s'en aller de son côté. Au fil des jours le père ne s'occupera que de ceux qui l'imitent et se nourrissent. »

Ainsi dans la vie courante c'est la même chose. A l'école par exemple il y a des élèves qui vont suivre et vouloir apprendre alors que d'autres vont préférer s'amuser. Enseigner ou s'obstiner à vouloir instruire une personne qui ne le souhaite de pas équivaut à perdre le temps d'enseignement que l'on pourrait accorder à ceux qui désire apprendre.

Voilà le type d'histoire, un peu comme nos « Fables de la Fontaine » mêlant contes et morales...

Comme il n'existe pas de livres pour les enfants en langue aborigène ou sur la culture aborigène en langue anglaise, l'école participe à la création de ses propres livres.

Pour les livres en langue aborigène, ils disposent d'une micro-imprimerie au sein même de l'école dans laquelle ils produisent des livres pour les différentes langues enseigner dans l'établissement.

Par ailleurs, afin que l'apprentissage de la langue anglaise se fasse à travers des images proches de leur culture (dans laquelle ils se reconnaissent) l'école participe à la production de ce type de livre. Ainsi plutôt que de voir une mère préparer le petit déjeuner à son enfant, on peut voir une mère creuser le sol à l recherche des fourmis miel. Davantage d'information sur le site internet suivant :
www.honeyant.com.au 

Ainsi, l'apprentissage des deux langues se construit dans la préservation de la culture aborigène.

Nous sommes ensuite allées dans la classe des 12-16 ans où nous avons assisté à la mise en place d'un jeu permettant aux plus jeunes d'apprendre à utiliser leur argent. Les enfants disposent d'argent fictif qu'ils gagnent en allant à l'école (100$ par jour). S'ils viennent 5 jours d'affilés ils obtiennent un bonus de 100$. Une fois par semaine, comme aujourd'hui, les jeunes peuvent choisir de dépenser leur argent pour de la nourriture, un ticket de cinéma (diffusion d'une vidéo dans une salle adjacente) ou pour des objets présents sur la table des tentations (bracelets, barrettes, stylos, autocollants...). Ils peuvent également économiser et si à la fin du mois ils ont 500$ ils peuvent choisir de participer à une fête organisée par les enseignants au sein même de l'école. Nous avons pu remarquer que beaucoup d'entre eux cédaient à la tentation, et nous nous demandons combien d'élèves auront économisé suffisamment pour se rendre à la fête !

 

L'établissement met également en place le programme Hippy, fondé par le département de l'Éducation du Gouvernement australien. Ce programme permet d'impliquer les parents dans l'éducation de leurs enfants. L'année dernière, 13 familles ont terminé le programme. Cette année, 43 sont inscrites pour le suivre pendant 2 ans. Ils reçoivent une formation de 30 minutes par semaine, le principe étant que les parents passent 15 minutes par jour à accompagner leurs enfants dans des apprentissages de base tels l'alphabet, compter, différencier les couleurs, afin de les préparer à rentrer à l'école.

Nous avons ainsi eu la chance de visiter un établissement hors du commun qui accueille un public en très grande difficulté. Malheureusement, malgré toutes les bonnes initiatives et la bonne volonté des enseignants, très peu de jeunes viennent régulièrement en cours et désirent poursuivre des études supérieures.

Nous sortons tout de même de cette école avec davantage de questions que de réponses. Quel avenir pour les enfants qui fréquentent ce type d'école ? L'école participe-t-elle à l'intégration des enfants au nouveau monde auxquels ils appartiennent malgré eux (des suites de la colonisation) ou accentue-t-elle leur marginalisation ?

Comprendre le fonctionnement de ce type d'école et le réel intérêt de ses actions auprès des communautés aborigènes mériteraient davantage d'heures d'observation et d'entretien, ainsi qu'une meilleure connaissance de l'histoire et des modes de vie aborigène !!!





 
 



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